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2023-07-28 16:42:55

Alexis Roussel on Nostr: La protection des données expliquée par l’administration fédérale suisse en ...

La protection des données expliquée par l’administration fédérale suisse en 2019

Les données personnelles constituent un bien précieux. On peut le comprendre dans deux sens : d’une part, au point de vue matériel, dans la mesure où les entreprises leur accordent un grand intérêt économique. En recourant à de vastes banques de données aussi détaillées que possible, les entreprises peuvent déterminer très précisément le comportement d’achat de divers types de consommateurs, ce qui leur permet par exemple de cibler et de mettre en œuvre leur stratégie publicitaire. Elles peuvent tracer des profils de personnalité individuels, c’est-à-dire qu’elles peuvent découvrir la marque du véhicule qu’une personne donnée conduit, les livres qu’elle lit, la musique qu’elle écoute, ce qu’elle dépense pour son habillement, son logement, ses assurances ou ses vacances, quelles sont ses destinations préférées, etc.

De cette manière, les consommateurs peuvent être répartis en différents groupes cibles selon des critères déterminés. Les entreprises peuvent en outre apprendre si un client est un bon ou un mauvais payeur. Bien entendu, cette collecte d’informations se passe généralement sans que la plupart des gens n’en aient la moindre idée. Il n’est donc pas étonnant que des agissements contestables, voire des abus, se produisent sans que la victime ne puisse réagir, puisqu’elle ne se doute de rien.

Or, ce n’est pas seulement au point de vue matériel que les données personnelles constituent un bien précieux, mais aussi au point de vue conceptuel, car il est inadmissible que dans une société démocratique, fondée sur le respect du droit, l’être humain ne dispose pas même d’un contrôle minimal sur l’utilisation des données le concernant. Le droit de disposer librement des informations qui nous concernent constitue un élément important de notre ordre social. Conformément à ce principe, chacun doit pouvoir déterminer lui-même, dans toute la mesure du possible, quelles informations personnelles peuvent être transmises, à qui elles peuvent l’être, à quel moment et dans quel contexte.

L’aspect économique n’est pas seul en cause, les services de l’État et les autorités sanitaires s’intéressent, eux aussi, à certaines données personnelles – on peut évoquer à ce sujet la lutte contre le terrorisme international ou contre la criminalité organisée, mais aussi les efforts visant à diminuer les coûts de la santé. Pour simplifier, on pourra dire que le premier objectif de la protection des données doit être la défense du droit qu’a chaque individu de disposer des informations le concernant. Cette tâche n’est pas toujours simple, dans la mesure où il existe des intérêts légitimes qui peuvent limiter ce droit, par exemple dans le cadre d’une enquête policière.

La protection des données doit garantir que le principe de la proportionnalité sera respecté dans tous les cas, c’est-à-dire que la collecte et le traitement impliqueront le moins de données personnelles possible, mais jamais plus que le strict nécessaire ; elle doit par ailleurs garantir à la personne concernée la possibilité de contrôler dans toute la mesure du possible le traitement de ses propres données, pour qu’elle puisse, le cas échéant, s’y opposer. Il est donc impératif que chacun puisse demander aux maîtres de fichiers quelles sont les données le concernant dont ils disposent. À cet effet, la loi sur la protection des données prévoit un droit d’accès dont il est possible de se prévaloir auprès des maîtres de fichiers.


Les explications de l’administration fédérale suisse relatives à la législation sur la protection des données sont paradoxales à bien des égards. Les bases de la réflexion sont résolument humanistes puisque l’accent est mis sur le respect de l’individu et de sa personnalité. Toutefois, dire des données qu’elles sont un bien précieux n’est pas suffisant, car ce qui est précieux dans une donnée personnelle, c’est l’humain qui est derrière, et tout ce qui relève de son intégrité. L’administration fédérale est bien évidemment bloquée dans son approche par la loi actuelle, laquelle fait que les données peuvent concerner une personne et ne pas lui appartenir. Fondamentalement, pour que cette réflexion puisse aboutir, il faut reconnaitre que les données qui concernent les individus sont constitutives de leur personne, donc de leur intégrité. Ces paradoxes qui sont institutionnalisés par la loi rendent l’action du préposé fédéral à la protection des données et à la transparence pratiquement inefficace.

Extrait de « Notre si précieuse intégrité numérique » par Alexis Roussel et Grégoire Barbey
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